Envoyée en mission ~I~ [Kamiya]

Le tigre blanc déboula au petit trot sur la voie principale. Sur son dos se tenait allongée une jeune femme-ange, ailée comme il se doit. Lui aussi avait des ailes ; grandes et blanches, à l'image de sa fourrure, il les laissait flotter de part et d'autre de leurs corps.
L'allure majestueuse et quelque peu mythique du couple aux quatre ailes aurait pu laisser croire qu'il s'agissait là d'un messager, mais il était en réalité plus proche d'un émissaire.
En effet, Khar et Galen étaient envoyés discrètement par le Roi, ce afin de semer quelques informations et d'en récolter d'autre, mais surtout dans le but de mettre prématurément fin au règne de Rant'Zhar... des assassins, voilà ce qu'ils étaient. Et d'autant plus insoupçonnables qu'ils étaient les premiers assassins Dérivés d'Ange depuis des siècles.
Le trot régulier du tigre soulevait de gracieux volutes de poussières sur les pavés polis. Dans le ciel, un soleil d'hiver brillait, tandis qu'un petit vent vrais caressait la terre.

*Khar... Nous serons bientôt arrivés. Je fais au plus vite et au plus court, au plus efficace. Je veux t'épargner la fatigue du trajet; pour toi et pour le Royaume.*

La jeune femme-ange n'avait pas entendu le discours, muet, du tigre. Pourtant, elle soupira. Toute cette route, encore ! Heureusement que Galen faisait montre d'une endurance hors-norme.
Soudain, le tigre ralentit l'allure. Pas une goutte de sueur dans son court pelage ; il n'avait jamais chaud. Fatigué alors que le soleil était au zénith ? Non plus.
Au loin arrivait un cavalier, la peau sombre - à moins que son visage ne fut couvert d'un voile. Seulement, l'on était encore en contrées humaines... Ainsi donc, c'était là la conséquence de l'infiltration des contrées Humaines par les Sombres: ceux-ci circulaient partout.
Khar se racla la gorge et cracha. A cet instant, le cavalier arrivait au trot. Il tira sur le mors sans considération pour la bouche de sa monture, qui faillit déraper sur les pavés polis. Le cheval bai fit face au tigre, qui s'arrêta.
Il ne serait jamais venu à l'idée de Galen de reprocher quoi que ce soit à Khar ; c'était d'ailleurs là une de ses faiblesses. Il acceptait sans réfléchir tout ce qui venait d'elle. Et avec facilité, il s'adapta à la situation.
Il gronda sèchement à l'adresse de la monture, qui se cabra. Un poids s'ôta de son dos. Khar volait, et tomba sur la croupe du pauvre animal.

- Que ?...

Craquement sec, l'homme tomba à terre, inerte. La jeune femme-ange se laissa glisser à bas, et le cheval partit à vive allure rejoindre les sous-bois. Elle s'assit, jambes étendues inertes sur le coté.
Combien de temps demeura-t-elle là, sans bouger, à observer sa victime ?
Enfin, celui-ci retrouva ses esprits, ce qu'il eut le malheur de signaler par quelques gémissements. Un poignard vint se poser sur sa nuque.

- Quels sont exactement les faits récents ? Quels évènements à venir ? La hiérarchie Sombre ? Allez, parle !

Son ton s'était fait cassant sur les derniers mots, tandis qu'une goutte de sang perlait à la pointe de l'arme.
Prudent, Galen, qui s'était étendu, se releva et scruta les bois à sa gauche. Tous ses sens étaient tendus.
Danger, Khar. Sa patte tapa une fois la pierre claire. Mais elle l'ignora. Elle n'en avait plus pour longtemps ; elle lui faisait confiance pour s'occuper du problème.

L'air froid et sec du début d'hiver fit craquer une branche sur le bord de la route. L'oreille de Hikaru pivota, par réflexe, mais la tigresse ne porta pas attention au bruit. Kamiya ne l'avait pas entendu, car trop concentrée.
Elle tenait dans sa main droite une carte du continent. imprimée sur une peau de bête, celle-ci semblait très ancienne. L'était-elle au poitn d'être obsolète ? Là était la préocupation principale de l'humaine. Car si elle était sûre de se diriger dans la bonne direction, elle doutait de l'emplacement de la prochaine ville.

Après l'ouïe, ce fut l'odorat de Hikaru qui fut stimuler. Et l'odeur qu'elle sentit n'avait rien à faire dans un pareil paysage. L'odeur du sang. Un sang humain à première vue... La tigresse glissa sa lourde tête sous la main de la jeune fille.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Un grondement discret, et un regard en direction du chemlin qui disparaissait derrière un ensemble de sapins. Quelqu'un, ou quelque chose, en conclut la jeune fille. Elle savait que Hikaru était bien mieux renseignée qu'elle sur ce qui se trouvait là-bas, et elle rageait de ne pas pouvoir entendre ses précisions.
La tigresse passa devant. Son coeur battait plus vite, et ses muscles se tendaient. Tout en alerte, elle allait se présenter de front. Kamiya était beaucoup plus calme. D'abord parce qu'elle faisait confiance à Hikaru, et surtout parce que c'était dans sa nature.

La tigresse bondit de derrière les arbres, et se trouva face à face avec un tigre blanc. Elle montra les crocs, menaçante, et feula.
Kamiya, en entendant ce cri du félin, accéléra le pas, et arriva bientôt devant la scène. Un homme à terre, probablement un cavalier vu les empreintes récentes de sabot tout autour. Au-dessus de lui, un jeune femme aux grandes ailes d'ange se tenait, un poignard étincellant sous la gorge de l'homme.
Situation délicate... Comment réagir ? De quel côté se placer. Si Hikaru n'avait qu'une idée en tête : protéger Kamiya à tout prix ; l'humaine hésitait quant à la conduite à tenir.

- Calme Hikaru...

Elle s'adressa à la jeune femme ange, puisque c'était elle qui semblait posséder le tigre, et contrôler l'étrange situation sur le bord du sentier.

- Je suis Kamiya Yamashi, voyageuse et éleveuse de tigre. Je ne tient pas à entrer en conflit avec vous, mais Hikaru et moi sauront nous défendre...

L'Elfe transpirait abondamment. S'il avait réagi à la provocation de la Dérivé d'Ange, c'était donc qu'il possédait un caractère fier, prétentieux. Malgré sa relative jeunesse, il avait déjà un peu de ventre. Un Sombre de la cour ? Un messager, peut-être ? Ç'aurait été l'idéal.

- Je... Vous... Qui êtes-vous ?

Tiens donc ! Il avait remarqué qu'une Dérivé d'Ange avec un poignard, ça dénotait dans ce paysage clair. Mieux valait l'empêcher de trop faire tourner sa cervelle avant qu'il ne tire quelques dramatiques conclusions. La pointe du poignard s'enfonça d'un demi centimètre dans la chair de sa gorge.

- Je... Arrr... Les Corbeaux surveillent la Cité Principale, nous la tenons en otage, le gouvernement des hommes est presque tombé, seule demeure la reine, bientôt les Sombres régneront sur le royaume des hommes, le prince a disparu avec son tigre de combat, sûrement ce dernier l'a-t-il tué à l'heure qu'il est, l'espoir des hom...

- Calme Hikaru...

Un frémissement parcourut tout son corps. Il se tut.

- Tu mens. Reprends.

Les gémissements et les supplications de l'Elfe ne semblaient même pas l'atteindre. Ainsi, il osait lui résister ? Elle enfonçait encore un peu d'avantage la lame. Derrière elle, il y avait eu un feulement. Mais elle ne levait pas les yeux de son captif.

- Je parlerais, je parlerais, mais par pitié, ôtez cette lame de ma gorge !

Conciliante, Khar déplaça l'arme de quelques centimètres. Elle ne pouvait voir ses yeux, car il était tombé moitié sur le ventre, moitié sur le flanc.

- Je... je... je... Je suis messager, je porte une missive qui doit informer les hommes que notre roi Rant'Zhar a fait prisonnier le prince... Je ne devrais pas vous dire ça.

Quelle chance ! Ainsi, l'Assassin avait sans le vouloir mis le doigt sur un sacré nœud de la corde royale. En subtilisant ce pli, elle pouvait retarder l'arrivée du message de plusieurs semaines !
D'un trait, elle trancha la gorge de l'Elfe.
Celui-ci s'affala, s'aplatit d'un coup sur le sol comme s'il avait reçu un poids, dans un sinistre gargouillement. Ses membres s'agitèrent un peu, puis cela cessa.
Si Khar l'avait achevé, ce n'était pas par plaisir. Oh non, elle n'était pas pressée de souiller ses mains du sang Sombre, quoique cela devait bien arriver un jour ou l'autre. Simplement, il aurait pu aller porter le message, même sans la missive officielle.
Et quant à.. Yamashi, elle n'avait pas parlé de l'Elfe. N'avait-elle pas seulement dit "nous saurons nous défendre" ? Elle ne pensait donc qu'à elle et sa tigresse.
Quand bien même elle aurait précisé clairement qu'elle tenait à la survie de ce Sombre, Khar n'aurait pas changé d'intentions pour autant.
Lorsque la tigresse, Hikaru donc, s'était approchée de Galen, celui-ci était resté immobile. Dans le but, bien sûr, de lui montrer sa volonté d'éviter le conflit, et non pas de la provoquer. Mais aussi afin de lui faire comprendre qu'il n'allait pas s'étaler devant ses crocs comme neige au soleil.

- Galen. Prends le pli.

Les doigts de Khar étaient écarlates, et donc aussi glissants que salissants. De plus, sa liberté de mouvement était fort restreinte... Était-ce pour autant une bonne idée de demander cela à Galen ?
Lui ne pensait pas que ç'en était une mauvaise. Et même dans ce cas, il ne serait pas allé à l'encontre de la volonté de la jeune femme-ange.
Aussi, il franchit à reculons la distance qui le séparait du cadavre, puis fourra son museau dans le tissu, à la recherche de la missive.

Khar leva son visage vers Yamashi. Il était constellé de part et d'autre de gouttes de sang, et son regard était vide.

La Dérivé d'Ange s'envola. Ses battements d'ailes la maintenaient quelques centimètres au-dessus du sol, c'est à dire à la hauteur qu'elle aurait faite si elle avait eu l'usage de ses jambes.
Elle se déplaça vers Yamashi, et sourit. Pas un sourire franc ni chaleureux, juste poli.

- Lampkhar Riakho. Je suis navrée Yamashi, mais je vais devoir vous demander ce que vous avez entendu, et quelles sont vos intentions...

Une expression polie sur ce visage grave et inexpressif, qui contrastait avec la finesse de ses traits. Les taches de sang lui donnaient sûrement une note macabre. Elle avait donné un faux nom. Et rengainé son poignard dégoulinant.
Dans ces quelques mots pointait la menace, évidente, d'un combat. Dans le cas où Yamashi dirait vouloir porter le message aux hommes. Et même si elle ne le voulait pas, et même si elle niait avoir entendu. Khar ne prenait pas de risques. Il allait lui falloir être très convaincante, si elle voulait échapper à un combat à mort contre deux assassins entraînés.

Cependant, Galen se retourna, et émit un bref grondement. Si tout s'était bien passé, il n'aurait rien dit. La missive n'était donc pas là... Ou bien encore n'existait-elle pas ? Non, l'Elfe n'avait pas menti sur ce point.
Le cheval !
Elle se trouvait sûrement dans l'une des sacoches accrochées à la croupe de la monture ! Mais où était-il ? Parti dans les bois ?
Et si quelqu'un le trouvait, ce qui ne manquerait pas d'arriver, il trouverait le pli... Il leur fallait donc le retrouver. Mais d'abords, régler les problèmes présents.

Doucement, Galen s'approcha derrière Khar, et se faufila sous elle, écarta ses jambes de la tête. Sans un bruit, elle se laissa retomber sur le dos blanc, qui accusa le choc avec souplesse. Elle replia ses grandes ailes blanches. Le tigre les déplia.
Leur regard était droit, inflexible. Pourtant, ils étaient différents ; il y avait comme quelque chose de vague, d'incertain, dans celui de la jeune femme-ange.

On ne prêta guère attention à Kamiya et Hikaru pendant quelques instants. Un moment pendant lequel la jeune femme ange avait eu le temps de menacer l'homme à terre, et lui extirper les informations qu'elle semblait chercher. Était-ce un signe de confiance, ou bien Kamiya était-elle si peu menaçante aux yeux de l'inconnue ?
Même le tigre tourna le dos à Hikaru pour aller chercher la missive. Et si la tigresse avait été ne serait-ce qu'un peu plus cruelle, elle aurait volontiers planter ses crocs dans l'arrière train de ce tigre qui l'ignorait royalement.
Bien entendu, Kamiya avait écouter la majorité de la conversation. Elle retint les informations qui lui semblaient capitales. Pas qu'elle souhaite en faire part aux Magiciens, même s'ils attendaient surement ça d'elle. Non. Elle se tenait informée car elle sentait que plus elle aurait de renseignements sur le continent, et meilleures seraient ses décisions futures. Si la première partie des aveux de l'homme semblaient préocupant, quoique pas très nouveaux, la deuxième partie ne concernait que la haute société, de laquelle Kamiya était très éloignée.

Finalement, la jeune femme ange s'intéressa aux nouveaux venus. Elle voleta jusqu'à Kamiya et prit un ton à la fois poli et distant. Hikaru gronda en elle-même en entendant ces paroles. Elle aurait aimé pouvoir dire à l'humaine à quel point cette histoire semblait louche, et à quel point la prudence lui semblait de mise.
Kamiya, sans avoir un instinct aussi prononcé que celui de la tigresse, sentait que quelque chose n'allait pas. Elle n'était pas à sa place. Et la jeune femme ange semblait assez mécontente de savoir qu'elle avait entendu. Mais comme il n'était question en aucun cas de mentir, l'humaine dit calmement :

- Disons que je suis maintenant presque certaines que les Corbeaux surveillent la cité Principale... quant à ce que je vais faire de ces informations, je suis navrée, mais cela ne concerne que moi.

Elle s'était efforcée de rester polie, souhaitant à tout prix éviter le conflit. Hikaru était sur ses gardes, certaines que la réponse de l'humaine en satisferait pas Lampkhar. La tigresse recula, se rapprochant de Kamiya.

Apparemment, quelque chose clochait pour la femme ange et son tigre. En jettant un coup d'œil vers le corps de l'homme étendu, Kamiya compris que le tigre ne trouvait pas ce qu'il cherchait. Alors, il revint vers sa maîtresse, et la pris sur son dos.
S'étaient-ils désintéressés de Kamiya ? Cela ne plut que très peu à la jeune fille. Et puis, surtout, elle aussi souhaitait récupérer le maximum d'informations sur cet homme, et par la même occasion sur la femme ange.
Elle décida que si Lampkhar ne prêtait pas plus attention à elle, elle et Hikaru les suivraient jusqu'à découvrir ce qu'ils cherchaient. Mais elle eu une autre idée, qui pourrait bien simplifier les choses :

- Hikaru est une excellente chasseuse, et excelle dans la recherche sur pistes. Nous vous proposons de vous accompagner dans votre recherche, et de vous épauler. En échange, je souhaiterais visionner le document que vous cherchez.

Son ton calme, déterminé et confiant était suffisant pour faire comprendre à Lampkhar qu'il ne s'agissait pas d'un piège, et que Kamiya ne comptait rien lui voler. Mais l'inconnue saurait-elle lui faire confiance ?

Khar et Galen l'écoutèrent patiemment, figés. Le regard du tigre était aussi droit qu'intense ; il ne cillait pas. Les deux assassins ne se comportaient pas autrement quand ils écoutaient les derniers mots d'une cible fatalement condamnée, dont les efforts ne changeraient rien à son sort.

- Disons que je suis maintenant presque certaines que les Corbeaux surveillent la cité Principale... quant à ce que je vais faire de ces informations, je suis navrée, mais cela ne concerne que moi.

- Vous savez aussi que le prince Apez d'Iulan -surnommé Aps chez le bas-peuple duquel il est très proche-, est maintenu prisonnier chez les Sombres. C'est une information qui vaut très cher...

La Dérivé d'Ange laissa sa phrase en suspens. Elle savait combien les humains étaient cupides. Ils étaient même prêts à tuer pour une poignée de monnaie.
Elle ? Elle ne tuait pas pour l'argent, non. Khar reprit, d'un ton désormais direct :

- Très, très cher... Or il me déplairait fort qu'elle ne tombe entre de mauvaises mains. Voyez-vous, mademoiselle Yamashi, j'œuvre pour mon peuple. Vous n'êtes pas sans ignorer que nous sommes les alliés des Hommes.

Là encore, elle n'en ajouta pas d'avantage. La jeune humaine et elle étaient dans le même camp, à priori. Mais avec les humains, on ne pouvait jamais être sûr ; il changeaient de chef comme de chemise.
La tigresse blanche avait reculé vers sa maîtresse.
Il n'était pas faux que la menace qui perçait dans les propos de Khar était évidente. Toutefois, elle ne les visait pas vraiment - à condition qu'ils soient dans le camp des Hommes. Et le bon camp des Hommes, c'est à dire celui de la Royauté, et pas des mécontents des basse-classes ni des poignées de révolutionnaires.

- Hikaru est une excellente chasseuse, et excelle dans la recherche sur pistes. Nous vous proposons de vous accompagner dans votre recherche, et de vous épauler. En échange, je souhaiterais visionner le document que vous cherchez.

Galen ne sembla pas relever ces paroles. Il avait mémorisé presque malgré lui la constitution du cheval, sa façon de marcher et nombre d'autres détails ; en particulier, son odeur. Les senteurs étaient partie intègre de son éducation magique.
Aussi, il était fort probable qu'il n'ait aucun mal à retrouver l'équidé effrayé.
Tout à coup, il eut un mauvais pressentiment
n'était pas aussi simple, cependant : le vent de l'ouest s'était levé, qui lui portait l'odeur de la fumée des Hommes.
C'était presque sûr, ce cheval était retourné à ce qu'il connaissait. Et il avait une bonne avance.
Un petit mouvement de tête du tigre était un moyen de faire comprendre à Khar son approbation.
Celle-ci songeait justement que c'était là un bon moyen de garder un œil sur leur témoin, d'en apprendre plus à son sujet... et, qui sait ? de ne pas la tuer.
Le ton calme et confiant de Yamashi n'allait pas en sa faveur, auprès de l'assassin. Cela l'empêchait de la cerner correctement, et attisait sa méfiance.

Le vent froid qui soufflait au raz du souffle crût encore en intensité.

- Bien, en ce cas, ne nous attardons pas.

Et Galen s'élança. Quelques bonds lui suffirent pour prendre son élan ; il s'envola dans le ciel clair. C'était là un simple repérage de routine, histoire de voir si l'animal n'était pas en terrain découvert. Mais non, il se trouvait dans les sous-bois, et demeurait invisible malgré la nudité des arbres.
Alors, le tigre repéra la source de la fumée. Un petit village, à peine une poignée de maisons. Tout brûlait.

- Vous savez aussi que le prince Apez d'Iulan -surnommé Aps chez le bas-peuple duquel il est très proche-, est maintenu prisonnier chez les Sombres. C'est une information qui vaut très cher...

Non, elle ne le savait pas. Elle retint un sourire, contente d'avoir reçu gratuitement cette information.

- Cela signifie-t-il que vous me fassiez confiance Lampkhar, que de me livrer telle information ? Vous ignorez pourtant qui je suis.

Hikaru connaissait cette voix. Un peu trop assurée, Kamiya testait Lampkhar. Car si elle ne souhaitait pas le tuer, elle voulait savoir pour quel côté il travaillait.
Il dit travailler pour son peuple, et être allié aux Hommes. Mais cela ne signifiait pas grand chose. Les groupes extrémistes qui se disaient dans le "bon" camp n'étaient pas rares. Et ils faisaient régner des tensions au niveau des gouvernements, qui ne géraient pas la crise, et au niveau des peuples, victimes des méthodes radicales de certains groupes.

La tigresse déploya ses ailes, comme pour accélérer le mouvement. Elle savait que la piste s'effacerait rapidement avec le vent. Et tant que le cheval resterait à couvert, voler ne servirai à rien. Les odeurs en altitude, surtout par temps de vent, se dissipaient trop vite pour former une piste.
Kamiya compris l'empressement de Hikaru, sans vraiment la comprendre. Elle grimpa donc sur le dos du fauve blanc. Même si elles ne voleraient pas longtemps, elles iraient beaucoup plus vite en chevauchant à terre. Si la tigresse était excellente pisteuse, l'humaine savait aussi lire les traces de passage d'un animal dans la forêt. Elle avait appris à lire une piste quand elle avait quitter pour la première fois la Cité Principale, et vécu de la chasse avec Hikaru.

- Bien, en ce cas, ne nous attardons pas.
- Je vous laisse quadrillé le secteur Nord Lampkhar, Hikaru et moi survolons rapidement au Sud.

Sur ce, la tigresse s'élança de son côté, et monta rapidement au-dessus de la cime des arbres. Si Hikaru n'avait pas besoin de beaucoup de temps en d'espace pour décoller, elle atteignait rapidement ses limites au niveau de la vitesse. Lors de ses entrainements, elle avait compensée cette faiblesse en acquérant une habilité impressionnante au vol. Sa précision était suffisamment grande pour viser entre les arbres d'un forêt de densité moyenne.
Kamiya ne montait pas souvent sur Hikaru, et quand elle le faisait, elle ne dirigeait aucune l'animal, lui faisant entièrement confiance. La tigresse repéra rapidement le village en flammes. Surprise, elle ralentit à peine, comme pour mieux entendre ce que l'humaine allait lui dire.
Cette dernière vit qu'elle n'était pas la seule à avoir remarqué la fumée. L'autre tigre aussi l'avait vu. Quel serait leur priorité ? Retrouver ce document ou sauver le village ? Parfait moyen de voir enfin de quel côté ils étaient...

- Hikaru, le village.

La tigresse s'attendait à cette réponse, et avait déjà accélérer en direction des maisons enflammées. Elles allaient vite régler le problème de l'incendie. L'humaine sortit un parchemin de feu. Hikaru prit alors le contrôle des flammes, tout en s'en rapprochant. Après quelques centaines de mètres, Hikaru se trouvait au-dessus des habitations. Par le contrôle du feu, elle avait réduit toutes les flammes à de petites braises que les habitants s'étaient empressés d'éteindre d'un sceau d'eau.
Maintenant, la question était de savoir pourquoi il y avait eu un incendie ? Car l'accident est peu crédible en début d'hiver, surtout d'un telle ampleur. Alors qui ?... Qui que fut les criminels, Kamiya les considéraient comme ennemis du peuple. Car même en temps de guerre, elle ne supportait pas de voir des innocents sacrifier.
Hikaru l'avait compris, et cherchait des yeux un groupe suspect dans le village. Kamiya s'en remit une fois de plus à Hikaru pour le travail, préférant se tourner vers Lampkhar pour voir ce qu'elle faisait.